Pôles territoriaux au Sénégal : entre héritages et enjeux de compétitivité

Le Sénégal redéfinit son avenir avec la Vision 2050 : huit pôles territoriaux pour un développement équilibré, ancré dans l’histoire et la souveraineté.

Octobre 25, 2025 - 19:26
Octobre 25, 2025 - 19:57
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Pôles territoriaux au Sénégal : entre héritages et enjeux de compétitivité

Introduction

Au croisement d’une transition politique historique et d’une reconfiguration de ses trajectoires de développement, le Sénégal s’engage, depuis l’alternance démocratique du 24 mars 2024, dans une volonté de refondation nationale portée par un programme, Le Projet, vision politique d’un nouveau tandem présidentiel Diomaye-Sonko. Ancrée dans une feuille de route dite “Agenda de transformation systémique, vision Sénégal 2050”, ce Projet ambitionne de produire, en un quart de siècle, une nation souveraine, juste et prospère, basée notamment sur la structuration du territoire en huit (8) pôles de développement économique. Cette stratégie vise à désengorger la région de Dakar hypertrophiée, à corriger les déséquilibres régionaux et à stimuler la compétitivité territoriale en mobilisant les avantages comparatifs locaux. En d’autres termes, il y a une volonté de sortir de la macrocéphalie dakaroise pour mettre en valeur les potentialités des autres territoires de l’intérieur du Sénégal.

Cependant, dans un contexte de mutations démographiques, d’urbanisation accélérée, de vulnérabilités environnementales, la pertinence de cette approche mérite analyse performative. À quels enjeux économiques, sociaux et spatiaux les pôles territoriaux cherchent-ils réellement à répondre, et leur conception actuelle est-elle adaptée aux réalités différentielles qui traversent les territoires sénégalais ? L’articulation entre compétitivité économique, attractivité territoriale et justice spatiale constitue, en effet, une problématique, à l’heure où la durabilité des modèles de développement repose sur une reconnaissance des territorialités historiques, des réseaux d’interdépendance et des trajectoires différenciées d’évolution locale.

La démarche de ce papier n’est pas de recourir à de nouvelles données empiriques, mais plutôt de faire une analyse scientifique et prospective des pôles territoriaux. Cela permet ainsi, en s’appuyant sur le rôle stratégique du marketing territorial et en faisant une lecture croisée des configurations historiques et actuelles des territoires sénégalais, de montrer leurs limites et leurs opportunités.

Ainsi, il s’agit d'abord de faire une analyse performative des fondements, des promesses et des limites du projet des pôles territoriaux à l’horizon 2050 ; ensuite, de mettre en avant le potentiel d’un marketing territorial différencié pour renforcer leur attractivité ; enfin, de valoriser les territoires historiques, anciens royaumes et régions naturelles, comme leviers de compétitivité durable, enracinée dans les identités locales.

Les pôles territoriaux du Sénégal à l’horizon 2050 : une analyse performative

L’agenda national de transformation systémique du Sénégal traduit une volonté assumée de refonte systémique du développement territorial. En plaçant les pôles territoriaux au cœur de la stratégie Vision Sénégal 2050, les autorités sénégalaises entendent instaurer une nouvelle géographie du développement fondée sur la valorisation différenciée des potentiels régionaux. Si cette ambition entend impulser un désenclavement, une équité spatiale et une  compétitivité territoriale, elle est sujette à des critiques, compte tenu des réalités socioéconomiques actuelles, des logiques de peuplement des territoires à l’échelle nationale et des incertitudes politico-institutionnelles qui pèsent sur son application.

Une démarche ambitieuse à l’aune d’une volonté de « transformation systémique »

Les huit (8) pôles territoriaux proposés sont conçus pour exploiter les atouts géographiques, économiques et culturels propres à chaque région du pays. L’ambition posée est de réduire les inégalités régionales et de désengorger Dakar, qui génère près de 46 % du PIB national, malgré sa superficie de seulement 0,3 % du territoire.

Chaque pôle remplit une fonction stratégique :

-       Dakar : moteur des services à haute valeur ajoutée, la capitale ambitionne de devenir, à l’horizon 20250, une métropole mondiale de la mode, de la culture africaine et du tourisme d’affaires, tout en renforçant son rôle de pôle régional de formation, d’innovation et d’industrie manufacturière légère ;

-       Thiès : pôle logistique de premier plan avec un hub aéroportuaire et industriel, la région développera des industries extractives et manufacturières, une nouvelle ville pétrochimique, ainsi qu’une offre touristique axée sur la Petite-Côte ;

-       Centre (Kaolack, Fatick, Kaffrine) : carrefour logistique stratégique, le centre du pays sera le foyer de l’agro-industrie à travers l'Agropole Centre, centré sur l’arachide, les oléagineux, les céréales et le sel, tout en promouvant l’écotourisme et les activités de loisirs ;

-       Nord (Saint-Louis, Podor) : destiné à devenir le grenier agricole du Sahel, ce pôle articulera une agro-industrie compétitive (pêche, riz, céréales, sucre) avec le tourisme culturel et écologique, tout en développant les secteurs de l’énergie et des hydrocarbures ;

-       Nord-Est (Matam) : zone industrielle spécialisée dans les phosphates et les engrais, le Nord-Est combinera également élevage intensif (viande, lait) et valorisation des produits forestiers dans le cadre de la Grande Muraille Verte ;

-       Sud-Est (Tambacounda, Kédougou) : plateforme logistique régionale, ce pôle misera sur l’écotourisme (Niokolo-Koba, pays Bassari), le développement agro-industriel (céréales, bananes, coton) et l’émergence d’un hub métallurgique régional ;

-       Sud (Casamance) : la région sud deviendra un pôle agro-industriel majeur, spécialisé dans la production de fruits, légumes, céréales, anacarde et arachide, tout en consolidant une offre d’écotourisme et de tourisme culturel et de loisirs ;

-       Diourbel-Louga (Touba-Mbacké) : fort d’une grande agglomération dépassant trois millions d’habitants, ce pôle développera une économie tournée vers le tourisme religieux, l’agro-industrie et les industries manufacturières.

 

 

 

 

 

 

Sénégal 2050 : la nouvelle architecture territoriale en huit pôles

 

Source : les principaux pôles territoriaux de développement. Rapport de présentation du référentiel Sénégal 2050 : https://jubbanti.sec.gouv.sn/projet-referentiel

Cette volonté affichée par les autorités sénégalaises se confronte, cependant, à quelques défis incontournables, dans un contexte de changements démographiques rapides et de disparités socio-spatiales sans précédent.

Une reconfiguration confrontée à des contraintes structurelles

La projection démographique du Sénégal à l’horizon 2050, avec une population estimée à près de 35 millions d’habitants (ANSD, 2023)[1], impose de repenser en profondeur les équilibres territoriaux. L’urbanisation galopante, estimée à +3,9 % par an, accroît considérablement la pression sur les pôles urbains existants, en particulier le triangle  Dakar, Thiès-Mbour et la ville de Touba, déjà confrontés à des tensions foncières, à une saturation des infrastructures et à une inégale répartition des services publics.

De plus, les pôles territoriaux, tels que pensés, semblent, dans une certaine mesure, reproduire, plutôt que corriger, les logiques historiques de concentration. Les investissements publics et privés continuent de privilégier les zones déjà connectées aux réseaux de transport et d’équipements (principalement les grandes capitales régionales : Dakar, Thiès, Saint-Louis…), au détriment de territoires périphériques, en marge de la moyenne et basse Casamance, du Ferlo…pourtant riches en ressources naturelles, savoirs et savoir-faire endogènes, compromettant ainsi leur insertion dans une armature territoriale cohérente.

À cela s’ajoute une inégalité en matière de répartition spatiale : certains pôles couvrent des superficies particulièrement vastes, parfois hétérogènes, tandis que d'autres sont limités à des zones denses ou déjà urbanisées: le fossé surfacique est énorme entre le pôle Sud-Est (59 517 km² soit 27,5% de la superficie du territoire national) et le pôle Dakar (541 km², soit 0,28% du territoire national). Ce déséquilibre spatial complique la planification intégrée, l’homogénéité fonctionnelle de chaque pôle, fragilise l’équité territoriale et pose la question de l’adaptabilité des modèles de développement aux réalités locales.

Par ailleurs, l’incertitude politico-institutionnelle reste forte. L’alternance de 2024 ouvre certes une fenêtre pour un nouveau régime pour relancer certaines réformes, mais elle ne garantit pas leur aboutissement. Au Sénégal, l’État n’est pas toujours une continuité : un mandat présidentiel dure cinq ans, mais un projet engagé par un président peut être abandonné ou réorienté par son successeur. La logique électoraliste et politique prend souvent le dessus sur le temps long de l’action publique, compromettant la stabilité des politiques territoriales : Macky Sall avait, entre autres, sa ville nouvelle Diamniadio et ses agropoles, Bassirou Diomaye Faye a ses pôles territoriaux !

Ces constats invitent à une réflexion sur les fondements symboliques, superficiels, fonctionnels et identitaires des pôles territoriaux, pour les arrimer davantage aux configurations territoriales réelles. Au-delà d’un simple découpage technocratique et géographique, il s’agit aussi d’initier une stratégie de marketing territorial différencié, fondée sur la reconnaissance des territoires historiques comme vecteurs d’ancrage, de légitimation citoyenne et de rayonnement territorial.

 

Pour un marketing territorial différencié et l’intégration des territoires historiques

 

Le marketing territorial se définit comme l’ensemble des stratégies destinées à promouvoir un territoire pour renforcer son attractivité économique, touristique et résidentielle (Kotler et Gertner, 2002 ; Rainisto, 2003). C’est le fait de positionner un espace non plus seulement comme un lieu physique, mais comme un produit distinct doté d'une identité, d'une réputation et d'une valeur ajoutée spécifique. Dans les contextes en mutation rapide, le marketing territorial est utilisé comme un levier pour soutenir la compétitivité des territoires émergents (Boisen  et al., 2018).

Toutefois, au Sénégal, où certaines identités spatiales sont enracinées dans l’histoire, la sociologie et les pratiques économiques locales, une approche marketing uniforme et exogène peut être inadaptée. La diversité des configurations territoriales,  écologiques, linguistiques, culturelles, impose une stratégie différenciée, fondée sur la reconnaissance des spécificités de chaque région.

Ainsi, les pôles territoriaux proposés dans la Vision Sénégal 2050, pour devenir de véritables moteurs de développement des territoires, doivent ainsi être conçus comme des espaces fonctionnels et des territoires d'appartenance. Ils doivent s'ancrer dans les réalités historiques et symboliques qui fondent l'identité des populations locales : agroécologie du Sine-Saloum, prestige éducatif et religieux du Baol (Touba), du Jolof et Saloum, traditions agro-pastorales du Ferlo, ou encore héritage écologique et culturel de la Casamance.

Dès lors, la réhabilitation des territoires historiques, Jolof, Cayor, Sine, Baol, Saloum, Boundou, Fouta, entre autres, constituerait une démarche stratégique. Ces appellations historiques ne renvoient pas seulement à des passés glorieux ; elles incarnent des référents spatiaux vivants, puissants vecteurs de mémoire collective, de fierté identitaire et de cohésion sociale. Elles offrent un maillage territorial plus naturel et plus lisible pour les populations, en particulier pour les générations plus âgées pour qui les découpages régionaux contemporains restent abstraits. Dans ce sens, Fofana (2013) pensait déjà qu’une stratégie de développement territorial efficace doit reconnaître les réalités de bassin de vie, les effets de couloir, les phénomènes de satellisation et les bassins économiques en mutation. Le marketing territorial ne peut ignorer ces réalités sous-jacentes sans risquer de produire des territoires désaffiliés, sans appropriation populaire, exposés à une faible résilience face aux crises.

L’intégration des territoires historiques dans les stratégies de marketing territorial favoriserait donc une articulation entre attractivité économique, durabilité spatiale et légitimité culturelle. C’est une démarche qui dépasse la seule logique de compétitivité pour fonder une véritable architecture de développement territorial ancrée dans les identités locales, ouverte aux opportunités globales, et capable de porter une vision intégrée du Sénégal à l’horizon 2050.

 

Défis et conditions de réussite des pôles territoriaux

 

L’analyse du projet de pôles territoriaux révèle une tension entre l’ambition nationale de transformation portée par la Vision Sénégal 2050 et les réalités historiques, sociales et spatiales qui façonnent les territoires. La stratégie de polarisation peut apparaître, certes, cohérente dans une logique de compétitivité régionale, mais sa réalisation nécessite de surmonter plusieurs obstacles : l’ancrage historique insuffisant, la persistance des inégalités territoriales et la faiblesse des dispositifs de gouvernance locale.

D’abord, l’absence d’intégration explicite des territoires historiques dans la nomenclature et l’architecture des pôles fragilise leur appropriation citoyenne. Comme l’a montré Henri Lefebvre (1974), l’efficacité des politiques d’aménagement repose sur leur inscription dans les espaces vécus, imprégnés de mémoire collective. Avec l’absence de mobilisation des référents identitaires, les pôles risquent d’être perçus comme des artefacts administratifs, déconnectés des imaginaires sociaux et peu propices à l’adhésion locale.

Ensuite, les disparités régionales pourraient être aggravées par une concentration des investissements autour des pôles les mieux reliés aux infrastructures et aux flux économiques, en particulier Dakar (annoncée comme une métropole internationale à l’horizon 2050) et Thiès. Les territoires périphériques comme le Ferlo ou encore la Moyenne Casamance risquent de demeurer à la marge, alimentant des fractures territoriales durables, si des mécanismes correcteurs d’aménagement du territoire ne sont pas pris. Ne faudrait-il pas oser la discrimination territoriale positive en privilégiant les investissements dans les pôles les moins équipés ?

Enfin, la réussite des pôles territoires dépendra de la qualité de la gouvernance territoriale. Or, l’Acte 3 de la décentralisation a révélé ses limites, notamment par l’effet paradoxal de la communalisation intégrale qui confère les mêmes compétences à toutes les communes sans tenir compte de leurs moyens réels. Les petites communes se retrouvent ainsi démunies, incapables d’assumer efficacement leurs responsabilités. En outre, l’enchevêtrement des compétences entre collectivités territoriales, services déconcentrés de l’État et autres acteurs nationaux ou internationaux complexifie la lisibilité et la coordination des politiques publiques. Pour ne pas reproduire les ambiguïtés observées autour du pôle urbain de Diamniadio, dont l’inscription dans l’organisation administrative nationale reste incertaine, une définition claire, dès la conception, du statut administratif et du mode de gouvernance des pôles territoriaux est nécessaire. Ceux-ci doivent être reconnus formellement comme un échelon territorial à part entière, intégré au découpage administratif du pays, capable de dialoguer institutionnellement avec les autres collectivités. Cette démarche permettrait d’éviter les flous juridiques, d’assurer une gouvernance efficace et d’articuler les compétences de manière cohérente.

À cet égard, l’émergence des pôles soulève une interrogation sur leur statut futur : s’agit-il d’une nouvelle strate déconcentrée, d’une intercommunalité renforcée, ou de véritables collectivités décentralisées dotées de compétences propres ? En d’autres termes, si l’Acte 4 de la décentralisation est en gestation avec les pôles territoriaux, il convient d’en définir les contours juridiques, les échelles pertinentes d’action, et les modalités d’articulation avec les niveaux existants pour garantir l’opérationnalité et la légitimité de cette réforme.

 

Conclusion

Le projet des pôles territoriaux au Sénégal est une tentative de refonder les bases du développement national en répondant aux défis de compétitivité économique, d'équité spatiale et de durabilité. Toutefois, notre analyse performative soutient que leur succès ne pourra être assuré sans une réelle réarticulation entre compétitivité, ancrage historique et justice territoriale. En effet, au-delà de la simple création d'espaces économiques performants, les pôles territoriaux doivent être inscrits dans des trajectoires territoriales vivantes, reconnues et appropriées par toutes les catégories de populations.

La valorisation des territoires offre à ainsi une grille de lecture plus intégrée et fédératrice, capable de renforcer le sentiment d'appartenance, la cohésion sociale et l'attractivité durable des espaces. Couplée à une territorialisation du marketing et à une gouvernance locale renforcée, cette démarche pourrait faire des pôles territoriaux non seulement des moteurs économiques, mais aussi des leviers d’identité et d’inclusion collective.

Construire le Sénégal de 2050 suppose de conjuguer modernité économique et enracinement historique, innovation territoriale et reconnaissance sociale, compétitivité globale et justice spatiale. À travers cette articulation, le pays pourra espérer atteindre l'objectif fixé : devenir une nation souveraine, prospère et profondément ancrée dans ses valeurs et ses territoires.

 

 

 

 

 

 

Références

ANSD. (2023) : projection démographique du Sénégal à l’horizon 2050. Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie : ANSD (2023) : Recensement général de la population et de l’habitat RGPH 5 : https://www.ansd.sn/sites/default/files/2024-11/Projections-demographiques_2023-2073.pdf

Banque mondiale (2021). Sénégal : Revue de l’urbanisation. Washington, DC : World Bank Publications : https://documents1.worldbank.org/curated/en/900681468197983382/pdf/ACS14161-REVISED-FRENCH-WP-P124695-PUBLIC-Senegal-Urbanization-Review.pdf

Boisen, M., Terlouw, K., Groote, P., and Couwenberg, O. (2018). Reframing place promotion, place marketing, and place branding - moving beyond conceptual confusion. Cities, 80, 4-11. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264275117301373?via%3Dihub

Fofana, M. B. (2013) : quelles stratégies pour le développement des villes sénégalaises ? (Moussa Bala Fofana).Publication sur le site d’informations Senenews: https://www.senenews.com/actualites/quelles-strategies-pour-le-developpement-des-villes-senegalaises-moussa-bala-fofana_61443.html

Kotler, P., and Gertner, D. (2002). Country as brand, product, and beyond: A place marketing and brand management perspective. Journal of Brand Management, 9(4–5), 249–261. https://doi.org/10.1057/palgrave.bm.2540076

Lefebvre, H. (1974). La production de l’espace. Paris : Anthropos. : La production de l'espace - Persée

Rainisto, S. K. (2003). Success factors of place marketing: A study of place marketing practices in Northern Europe and the United States. Helsinki University of Technology. https://doi.org/10.1080/13673882.2007.8628829  


[1] ANSD (2023) : Recensement général de la population et de l’habitat RGPH 5 : https://www.ansd.sn/sites/default/files/2024-11/Projections-demographiques_2023-2073.pdf

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